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AGF/DELAY “Explode” (AGF Producktion/MDM) ****

De la poésie moderne, revitalisée à l’ère du numérique. Voici comment l’on pourrait décrire le premier album commun de Antye Greie et Vladislav Delay, artistes berlinois à la carrière déjà bien remplie. L’Allemande AGF, outre sa participation au duo Laub, est l’auteure de plusieurs albums remarqués, où sa voix douce se mêle à merveille à une électronica inspirée. Quant au Finlandais Delay, ses productions ambient et sa house stylisée, composée sous le pseudo de Luomo, ont imposé son art de l’atmosphère et de la sensualité. Pourtant, AGF et Delay ont, avec courage, coupé les ponts avec le style qui avait fait leur succès. Dans un style parlé-chanté, et de sa voix fluide, AGF égréne ses histoires ordinaires et extraordinaires, sur fond de percussions éparses et de mélodies fragmentées par son compagnon Delay. Avec « Explode », le couple invente quasiment une forme de « spoken word » (la poésie urbaine et black américaine) en version occidentale et rêveuse, le tout, sans recours aucun aux gimmicks redondants de l’électronica. Voilà un album particulièrement ambitieux, résolument intimiste et personnel, à la grâce inédite. Voire inégalée. (JYL)

AGF/DELAY
LE POUVOIR DES MOTS

Lorsque le couple Antye Greie-Vladislav Delay se décide enfin à devenir un duo musical, cela donne « Explode », étonnant album de poésies et de « spoken word » de l’âge électronique.

Le monde de l’électronica et de l’avant-garde techno est parfois bien morose. Au fil des productions, ce sont les mêmes sons, les mêmes rengaines, les mêmes effets qui viennent polluer des centaines de disques qui se bousculent désormais dans les rayons des disquaires spécialisés. La précision et les possibilités infinies des logiciels sont telles que les outils numériques ont parfois fini par faire oublier aux musiciens des choses aussi simples et poétiques que la puissance de la voix et du texte. C’est sans doute pourquoi AGF occupe une place à part sur la scène électronique actuelle. Ses textes parlés-chantés en forme de poèmes en prose, ses histoires de globe-trotteuse en guise de journal intime, sa musique de collage et de mélodies concassées, confèrent à son travail une humanité qui manque singulièrement à ses collègues électros. Et lorsque la berlinoise se décide enfin à produire un album avec son compagnon Vladislav Delay, après quelques années de carrières distinctes, le duo fait des étincelles.
Le finlandais, batteur et percussionniste formé au jazz, n’a lui non plus jamais obéi aux tendances et au gimmicks du moment. Aussi à l’aise dans les atmosphères alanguies (ses albums édités chez Mille Plateaux ou Chain Reaction) que dans le domaine d’une house sensuelle et irréelle (son projet Luomo), il explore aux côtés d’Antye Greie une nouvelle dimension.
Ensemble, ils signent ainsi un album qui n’est pas sans évoquer ce que l’on nomme le « spoken word » afro-américain, une forme de poésie mise en musique qui s’éloigne du rap pour mieux revenir à ses fondements. Pourtant, si les deux musiciens se disent fans de hip-hop, et que l’une de leurs chansons peut même s’interpréter comme un hommage à Tupac, on est loin ici d’une quelconque ferveur soul et black. Le très occidental « Explode », pourrait plutôt s’écouter comme une suite de poèmes doux-amers, inspirés par l’idée du déclin et de la violence du monde extérieur, scandés par les percussions sèches et inspirées du Finlandais. Le couple a trouvé ici une forme idéale, loin des formats de la pop ou de l’électronique, et qui a peu d’équivalent sur la scène musicale actuelle. Une poésie urgente et moderne, à la fois intimiste et revendicative, seul remède aux maux du monde qui nous entoure. (JYL)

AGF/DELAY « Explode » (AGF Producktion/MDM/La Baleine)
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